1. Introduction et objectifs

Ce document propose une première ébauche de concept pour une armée de 500 000 hommes capable d’assurer une présence et une capacité d’intervention rapide sur l’ensemble des espaces maritimes français, ainsi qu’une forte capacité de projection stratégique par voie aérienne.

L’objectif est de :
- garantir la possibilité d’intervenir en moins de 6 heures sur l’ensemble des mers françaises,
- projeter rapidement un corps expéditionnaire significatif (10 à 20 % de l’effectif total),
- assurer le soutien logistique, le ravitaillement en vol et une capacité d’hôpital aéroporté.

2. Hypothèses de base

2.1 Données géographiques

• La France dispose d’environ 10,2 millions de km² d’espaces maritimes (ZEE), dont environ 97 % en outre-mer. Ces zones sont dispersées sur l’ensemble du globe (Atlantique, Pacifique, Indien, Antarctique).

• La ZEE autour de la seule métropole représente de l’ordre de 370 000 km².

2.2 Performances d’une frégate moderne

Pour les calculs, on considère une frégate moderne de type FREMM/FDI/Horizon :
- vitesse soutenue raisonnable : ~25 nœuds (≈ 46 km/h),
- en 6 heures, distance parcourue : ≈ 250 à 280 km,
- surface « couverte » en 6 heures : disque de rayon 250 km, soit ≈ 200 000 km².

2.3 Taille de l’armée et principes

L’hypothèse de travail est une armée de 500 000 hommes, toutes composantes confondues. On raisonne ici principalement sur :
- la composante navale de surface (frégates),
- la composante aérienne de transport et de ravitaillement,
- les besoins en effectifs pour opérer ces moyens.

3. Flotte de frégates pour couverture globale

3.1 Nombre de frégates nécessaires pour un délai de 6 heures

En considérant qu’une frégate « couvre » environ 200 000 km² (zone atteignable en 6 heures de navigation), le nombre théorique de frégates en mer à un instant donné pour couvrir 10,2 millions de km² est de :
10 200 000 / 200 000 ≈ 50 frégates.

En tenant compte de la dispersion des zones (outre-mer), de l’inefficience du maillage et de marges de sécurité, on ajoute environ 20 à 30 %, ce qui conduit à un ordre de grandeur de 60 frégates en patrouille en permanence.

Une frégate n’étant pas en mer 100 % du temps (entretien, entraînement, relèves d’équipage), on suppose qu’il faut environ 3 navires par frégate « disponible en mission ».
Pour 60 frégates en mer, cela conduit à un total de l’ordre de 180 frégates au total.

3.2 Typologie des frégates modernes

Exemples de classes existantes (Marine nationale) :
- FREMM (frégates multi-missions) : ~108 marins d’équipage de base, auxquels s’ajoutent le détachement hélicoptère et éventuellement des commandos (≈ 130–140 personnes en mission).
- FDI (frégates de défense et d’intervention) : ~110 marins, ~125 avec détachement aérien.
- Frégates de défense aérienne Horizon : ~170–180 marins.
- Frégates de surveillance type Floréal (outre-mer) : ~90–100 marins.

3.3 Équipage moyen et effectifs navals

Pour une flotte mixte de frégates modernes, il est raisonnable de retenir un équipage moyen de l’ordre de 120 marins par navire.
Avec 180 frégates :
- 180 × 120 = 21 600 marins pour les équipages embarqués.

À ces effectifs doivent s’ajouter :
- le personnel de soutien à terre (maintenance lourde, logistique, formation),
- les états-majors et centres de commandement.
En pratique, le total de la composante navale liée à cette flotte serait nettement supérieur à 21 600 personnes (ordre de grandeur : plusieurs dizaines de milliers).

4. Composante aérienne de transport et de ravitaillement

4.1 Avions de transport tactique – A400M

On considère une flotte hypothétique de 400 avions de transport type A400M.
Équipage typique d’un A400M :
- 2 pilotes,
- 1 loadmaster (maître-cargo),
- parfois 1 personne supplémentaire selon la mission.
Soit en moyenne 3 à 4 membres d’équipage par avion.

Pour 400 appareils :
- personnel navigant : 400 × 3 à 4 ≈ 1 200 à 1 600 personnes,
- personnel de soutien (maintenance, opérations, logistique) : plusieurs fois ce nombre, soit de l’ordre de 4 000 à 8 000 personnels au sol.
Ces chiffres donnent un ordre de grandeur de l’effort humain nécessaire pour exploiter une flotte tactique de cette taille.

4.2 Avions de transport stratégique et ravitailleurs – A330 MRTT et A350 militaires

Pour la projection stratégique et le ravitaillement en vol, on considère deux types de gros porteurs :
- l’Airbus A330 MRTT (Multi-Role Tanker Transport),
- une version militarisée de l’Airbus A350.

Capacités retenues pour les calculs :
- A330 MRTT : ~300 soldats en configuration transport, jusqu’à ~130 civières en configuration hôpital volant (Medevac).
- A350 militaire : ~400 soldats en configuration de transport militaire dense.

4.3 Projection d’un corps expéditionnaire à partir d’une armée de 500 000 hommes

On ne cherche pas à transporter l’intégralité des 500 000 hommes en une seule fois – ce serait irréaliste. On vise plutôt la projection rapide d’un corps expéditionnaire représentant 10 à 20 % de l’effectif total.

a) Projection de 10 % de l’armée (50 000 hommes) en une rotation :
- avec A330 MRTT (300 soldats) : 50 000 / 300 ≈ 167 avions,
- avec A350 militaires (400 soldats) : 50 000 / 400 = 125 avions.

b) Projection de 20 % de l’armée (100 000 hommes) en une rotation :
- avec A330 MRTT : 100 000 / 300 ≈ 334 avions,
- avec A350 militaires : 100 000 / 400 = 250 avions.

Ces chiffres montrent qu’un « lift unique » très massif exige un nombre d’appareils considérable. Dans la pratique, on s’appuie sur plusieurs rotations, sur le transport maritime pour le matériel lourd, et sur un mix d’avions tactiques (A400M) et stratégiques (A330/A350).

4.4 Hôpital aéroporté et évacuation sanitaire

En configuration hôpital volant, un A330 MRTT peut emporter jusqu’à environ 130 civières.
Pour évacuer, par exemple, 5 000 blessés graves en une seule vague :
- 5 000 / 130 ≈ 38 appareils en configuration Medevac.

Un modèle réaliste consisterait à disposer de 20 à 40 A330 MRTT configurables rapidement en hôpital volant, fonctionnant en navettes entre la zone d’opérations et les hôpitaux de théâtre ou la métropole.

4.5 Flotte stratégique « crédible »

En complément des 400 A400M tactiques, une flotte stratégique cohérente pourrait se situer dans la fourchette suivante :
- 80 à 120 gros porteurs au total de type A330 MRTT et A350 militaires,
- dont 40 à 60 principalement dédiés au transport et au ravitaillement en vol,
- et 20 à 40 pouvant basculer rapidement en configuration hôpital volant.

Une telle flotte donnerait la capacité de projeter rapidement plusieurs dizaines de milliers de soldats, d’assurer un soutien logistique important et de disposer d’une capacité significative d’évacuation sanitaire.

5. Synthèse des effectifs associés

Les ordres de grandeur suivants peuvent être retenus pour la seule exploitation des grands moyens décrits :
- Composante navale (frégates) : ~21 600 marins d’équipage pour 180 frégates, plus un volume important de personnel de soutien à terre.
- Composante aérienne tactique (400 A400M) : ~1 200 à 1 600 personnels navigants, plus 4 000 à 8 000 personnels de soutien.
- Composante aérienne stratégique (80 à 120 A330/A350) : plusieurs centaines à plus d’un millier de personnels navigants, et quelques milliers de personnels de soutien.
Ces effectifs viennent en plus des 500 000 hommes de l’armée au sens large si l’on considère que ce chiffre représente principalement la composante terrestre. Dans un modèle plus intégré, on pourrait au contraire inclure l’ensemble des marins, aviateurs et personnels de soutien dans ce total de 500 000, ce qui imposerait des arbitrages entre taille de la force terrestre et ampleur des moyens navals et aériens.

6. Conclusion

Ce document ne constitue qu’une base de réflexion chiffrée à gros traits. Il montre néanmoins :
- qu’une couverture en moins de 6 heures de l’ensemble des mers françaises exige une flotte de frégates très importante (≈ 180 unités),
- que la projection rapide d’une fraction significative d’une armée de 500 000 hommes impose une flotte majeure d’avions de transport tactique et stratégique,
- que les besoins en équipages et en personnel de soutien sont considérables.

Ces ordres de grandeur peuvent servir de point de départ pour affiner un concept de forces, définir des priorités capacitaires et explorer différents scénarios (réduction des délais, focalisation sur certaines zones, montée en puissance progressive, etc.).